Audience solennelle de rentrée au tribunal administratif de Melun : protéger l'Etat de Droit et respecter l'office des juges
Bien qu’elle ne s’impose pas aux juridictions administratives, le tribunal administratif de MELUN avait opportunément résolu de convier le 10 février dernier, dans la pompe et sous les ors de l’ancien couvent des carmes magnifiquement restauré qu’il occupe depuis le 1er septembre 1998, les personnalités du monde civil, économique et judiciaire de son ressort à une audience solennelle de rentrée. C’est que l’occasion était belle de célébrer le 25ème anniversaire de l’instauration des « référés administratifs » dont le succès ne se dément pas puisqu’ils représentent aujourd’hui près d’un tiers des affaires jugées. Succès donc mais qui doit conduire à la prudence car « il convient de veiller à ce que ces procédures d’urgence n’empiètent pas sur le reste de l’activité » a dit la Présidente, Madame Corinne LEDAMOISEL, ajoutant toutefois qu’elle ne doutait pas que « par le dialogue permanent, juridictions, avocats et administrations, nombre d’affaires pourra être orienté vers la médiation administrative ».
Mais à ce tableau somme toute heureux se sont invitées l’émotion et la gravité. En effet, comment être indifférent au fait qu’après qu’ait été annulée l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) décernée à l’influenceur algérien dénommé DOUALEMN, des magistrats et des greffiers aient été outragés, stigmatisés en raison de leur nom ou prénom à consonance étrangère et menacés cependant que des photos de la Présidente Corinne LEDAMOISEL et du Président de la chambre des référés Michel AYMARD aient été largement diffusées sur les réseaux sociaux accompagnées de messages appelant « à la pendre haut et court » et « à le décapiter » ?
Force a donc été à Madame LEDAMOISEL de rappeler solennellement que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile récemment modifié « interdit de décerner l’OQTF à un étranger disposant (comme en l’espèce) d’un titre de séjour de dix ans » et que son tribunal n’avait donc fait qu’appliquer la loi tout comme il l’avait fait « en demandant à l’autorité préfectorale de réexaminer la situation de l’intéressé dans un délai de trois mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen ».
Qu’il nous soit permis de saluer ici la délicatesse de ce grand magistrat pour n’avoir rien dit du fait que notre Ministre de l’Intérieur, plus que courroucé par cette décision, lors des débats à l’assemblée nationale de janvier 2024, avait avec le groupe qu’il présidait alors voté les textes qu’on vient d’évoquer…
Les temps présents sont décidément bien rudes pour notre Etat de Droit et la résistance s’impose à tous, que nous soyons ou non acteurs de justice. Le barreau du VAL-DE-MARNE, à l’instar du barreau frère qu’est celui de MELUN, exprime sans détour son soutien aux magistrats du tribunal administratif de MELUN. Il en appel au respect de l’office des juges, garants des droits de chacun.